Guerre de l’Est : les tireurs des ficelles
A qui profite la guerre de l’Est ? Interrogation pertinente au moment où l’on se prépare à une nouvelle rencontre au sommet, au plan régional, à Nairobi pour ramener la paix en République démocratique du Congo. Si cette rencontre ne répond pas à cette interrogation, elle est vouée à l’échec. Ce serait continuer à tourner en rond et en dérision le peule congolais.
La Communauté internationale se penche à nouveau sur ce « grand malade » qu’est le Congo pour lui administrer une nouvelle thérapeutique. Attitude résultant de la troisième guerre qui sévit actuellement dans le pays avec une situation humanitaire catastrophique.
Initiative encourageante mais qui risque de n’apporter aucune solution durable tant que l’on n’ira pas au fond du problème. C’est-à-dire, s’appesantir sur les causes profondes de toutes ces guerres à répétition. En d’autres termes, dénicher les vrais commanditaires de ces crimes ainsi que les vrais bénéficiaires. D’où la nécessité de répondre à cette interrogation : A qui profite la guerre de l’Est ?
Eluder cette question au moment où le CNDP amorce le morcellement du territoire national sans qu’il soit condamné par la communauté internationale, consisterait à se moquer merveilleusement du peuple congolais. Ce serait exprimer du mépris envers la Nation congolaise pour mettre à exécution un plan machiavélique qui a pour finalité de consacrer l’inexistence de la Nation et de l’Etat congolais.
Sinon, comment expliquer que le Dialogue intercongolais, la période de transition avec la fameuse formule 1 + 4, l’organisation des élections, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, l’Accord de Washington, Tripartite plus 1, l’Accord de Nairobi, la Conférence de Goma n’aient pas pu ramener la paix en République démocratique du Congo ? Les Congolais seraient-ils incapables de comprendre le langage de la paix, de la sécurité et du développement ?
Aujourd’hui, l’on est à la case départ avec les mêmes acteurs, les mêmes financiers comme ce fut lors de la signature de l’Accord de Lusaka. Le Kivu, toujours à l’Est, est à feu et à sang et Rutshuru échappe au contrôle de Kinshasa. C’est qu’il y a anguille sous roche. Que l’on continue à tourner autour du pot en évitant d’aborder les vraies questions de fond.
L’EXISTENCE D’UN COMPLOT
Eviter d’aborder les questions de fond demeure une preuve irréfutable de l’existence d’un complot. Un vaste complot, comme déjà souligné dans l’une de nos dernières livraisons, qui soit à la fois interne et externe.
Interne, de par l’existence des « Faucons » congolais. Les va-t-en guerre qui ont toujours adopté des positions radicales dans le but de soutenir une option militaire. Mais en réalité, ils visent les prébendes de cette guerre en s’enrichissant illicitement avec le sang des autres. Ces constructions insolentes que l’on observe dans la capitale et certains chefs-lieux de province constituent l’une des faces à découvert de l’iceberg. A en croire quelques rumeurs, la guerre coûterait mensuellement 8 millions de dollars à l’Etat congolais. Une somme à ne pas justifier puisque classée dans la rubrique des « efforts de guerre et dépenses de souveraineté ». Ces extrémistes, tant qu’ils exerceront une influence sur la prise de décisions à quelque niveau du sommet de l’Etat que ce soit, ne favoriseront jamais une attitude flexible pour un compromis politique. La guerre pour eux demeure un fonds de commerce à entretenir par tous les moyens.
La même catégorie de « Faucons » se retrouve également dans les pays voisins qui ont reçu « mandat » d’agresser la République démocratique du Congo, si pas les régimes en place. Ils doivent leur existence de par la continuité de cette guerre. Effectivement, les Interahamwe ont servi de prétexte pour pousser ces pays voisins sur le sentier de la guerre, oubliant qu’ils étaient en train d’exporter leur idéologie de violence interethnique dans les territoires voisins. Obnubilés par ce pouvoir de domination, d’étendre des territoires géographiques, ils ont opté de bâtir leur pyramide de pouvoir sur l’argent et le fusil. Raison pour laquelle ils se sont acharnés à se constituer des « solides économies de guerre » pour mieux entretenir leur pouvoir, alors que leurs fonds propres ne peuvent permettre ce genre d’aventure militariste.
Une nouvelle classe de dirigeants est en train d’émerger dans ces pays grâce aux trafics illicites des matières premières et des armes. Les mutations qui s’opèrent dans ces pays limitrophes sur le plan social ne sont nullement synonymes de « bonne gouvernance », mais bel et bien découlant du butin de la guerre.
Mais au-dessus de tous ces faucons tant en République démocratique du Congo que dans les pays voisins, les multinationales, jusqu’ici anglo-saxonnes, tirent les ficelles dans l’ombre. Elles passent pour les vraies commanditaires de toutes ces guerres tant elles organisent tout et pèsent de tout leurs poids financiers sur la politique étrangère de leurs pays. Ce sont elles qui donnent les gros moyens financiers à leurs gouvernements pour exécuter leur politique sociale et monétaire. La preuve la plus irréfutable est cette crise financière internationale qui vient de secouer sérieusement le monde occidental avec la désarticulation du système bancaire. Conscients de la fragilité de leurs régimes, les gouvernements occidentaux se sont solidarisés pour soutenir les banques privées. Du jamais vu dans un régime capitaliste, plutôt que de les sanctionner à cause de leur faillite.
Cette crise est bel et bien une lumière pour comprendre les causes cachées de la guerre à l’Est. Notamment au Kivu, région riche avec la province Orientale, à l’image de l’Afghanistan à cause de la mer Gaspienne pour son gaz, l’Irak avec son pétrole. La RDC recèle du pétrole, du diamant, du gaz, de l’or, du bois, du nobium, du coltan, etc.
Donc des multinationales qui ne reculent devant aucun sacrifice, sont sans état d’âme et disposent des « pions majeurs » au sein des gouvernements occidentaux, dans des institutions internationales pour servir leurs causes et leurs intérêts, orienter les grandes décisions au niveau du Conseil de sécurité des Nations unies. La faiblesse des missions de paix de l’Onu tant en Angola, au Rwanda, en Bosnie Herzégovine, qu’en Somalie, et maintenant en République démocratique du Congo n’est point un fait au hasard. Ce sont des échecs voulus, programmés et qui profitent à tous ces commanditaires pour qu’ils prennent le contrôle des gouvernements et les richesses de leurs pays, érigent des « Etats nains » à travers le monde pour le même objectif.
LE DERNIER MOT AUX CONGOLAIS
L’heure est grave. La Nation congolaise est réellement en danger. Il appartient aux Congolais de mieux saisir ce complot et de l’éventrer. Nairobi I, II, III ou IV n’apporteront rien de positif si les Congolais ne se rendent pas compte que parmi les bénéficiaires de ce guerres, certains compatriotes en mal de gloire et cupides trahissent leur pays. Ce sont des traîtres, des complices, des loups dans la bergerie. Que des voisins ne cherchent qu’à affaiblir ce «géant » de l’Afrique dans cette lutte de leadership dans la région pour l’assujettir. Ils sont soutenus dans cette entreprise machiavélique par des multinationales qui ne voient que leurs intérêts économiques et financiers. Et que, par contre, des millions de morts qu’affiche déjà la RDC ne sont que des « faits divers » à leurs yeux.
Le problème fondamental pour restaurer la paix, la sécurité et le développement de la RDC et de la région des Grands Lacs, consiste à décourager tous ces vrais bénéficiaires de cette guerre de l’Est. C’est le combat permanent que doit livrer le peuple congolais qui ne peut plus se permettre ce « geste suicidaire » de se tromper de cibles. Il n’a pas de choix et doit poser le problème en ces termes s’il tient à la survie de son espèce dans cette planète, à l’existence de l’Etat et de la Nation Congo.
«Il faut que l’élite congolaise soit élargie à
l’ensemble de la classe dirigeante. Depuis pratiquement 20 ans, la RDC
n’a plus d’armée. Celle-ci a beaucoup plus de figurants portant
des galons. Or l’armée, c’est la colonne vertébrale
d’un pouvoir. Je vous ai parlé de ces puissances présentes
en Afrique centrale, précisément au Congo. Je vous ai dit que
l’Est du Congo est devenu une zone d’influence anglo-américano-sud-africaine.
Le monde anglo-saxon qui gère ces pays-là a trouvé une
porte d’entrée avec comme tête de pont le Rwanda et l’Ouganda.
Il a armé le Rwanda et l’a poussé à attaquer le Congo.
Dès la première invasion en 1997, on savait comment cela a été
financé. Le Rwanda n’a pas un budget pour lancer une guerre au Congo.
Au début, cette guerre était financée par ces puissances
extérieures. Aujourd’hui, la guerre est financée par les
produits de vente des ressources minières que le Rwanda exploite au Congo.
La présence des Banyarwanda dans l’armée, des gens qui ont
toujours le cordon ombilical avec le Rwanda fait que ce pays est toujours bien
informé de tout ce qui se fait au Congo. Dans mon livre, je fais voir
comment les armées de la région ont évolué au cours
de ces dernières années. J’ai été dans ces
pays-là, j’ai discuté avec les ambassadeurs dont certains
me révélaient que l’armée de tel ou tel autre pays
vient d’acquérir des chars de combats et autres auto-blindés.
Mais avec quel argent ? Pour quel objectif ? Sachant très bien que l’agresseur
se trouve en face d’un géant aux pieds d’argile – et la
chute de Kisangani a été cette grande révélation.
On avait compris qu’il n’y avait rien devant. Et jusqu’ici, il
n’y a toujours rien. Tous les efforts consentis pour avoir une armée
sont faits avec ou par le Rwanda ou annihilés par celui-ci. Ceux qui
sont derrière ce pays sont aussi ceux qui devant les Congolais plaident
pour le mixage afin de monter une armée congolaise. Depuis quand reconstruit-on
une armée avec les anciens rebelles ? Nous sommes déjà
mal partis de ce côté-là».
Kinshasa, 3/11/2008 (LP/MCN, via mediacongo.net)