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LAVOIXDUCONGO
6 novembre 2008

Nkunda à Kinshasa ?

Kinshasa, 05/11/2008 / Politique

Le complot ourdi contre la RDC est international. Et Laurent Nkunda n’est qu’un instrument des multinationales soutenues par certaines puissances occidentales, affirme le professeur Kibanda dans une interview accordée au journal Le Potentiel. La RDC étant victime de ses minerais. Surtout ceux nécessaires à l’économie fondée sur le micro-processeurs, sur l’électronique, soutient-il. Il n’a pas manqué de déplorer la logique égocentrique qui semble marquer l’élite politique congolaise, voire intellectuelle tout court.

Professeur, aujourd’hui, la guerre a éclaté. On parle de plus en plus d’un complot international. Quelle est votre analyse à ce sujet ?

C’est depuis dix ans que j’ai parlé de ce complot. Mes anciens étudiants le savent. Comme lors de l’Eveil patriotique organisé par feu Laurent-Désiré Kabila. Quand vous jetez un coup d’œil sur la Carte minière, même hydrographique au Congo de l’Est, c’est tellement clair. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais accepté la théorie qui consiste à parler avant tout de problèmes tutsi et bantu, tout de suite. C’est une lecture enfantine des choses. C’est même un aveuglement. Quand vous jetez un coup d’œil sur la carte, le problème réel est de vous rendre compte que, dans les zones où persiste la guerre, de Nyunzu (Nord-Katanga) jusque dans la vallée Djugumagi (en Ituri, province Orientale, jusqu’à la source du Nil), c’est là que se trouvent concentrés les minerais nécessaires à l’économie fondée sur le micro-processeurs, sur l’électronique. A part ces minerais, vous avez de grandes concentrations de filons d’or. Et de Goma jusqu’à la frontière soudanaise, ce n’est plus un secret, les réserves pétrolières y sont très importantes.

Donc, les enjeux sont que les multinationales et certaines puissances visent ces ressources là, veulent les contrôler. Raison pour laquelle on peut considérer que Laurent Nkunda n’est qu’un simple mercenaire. Ce n’est donc pas un enjeu majeur. Et les Etats de la région qui utilisent Nkunda veulent jouer en fait le rôle de gendarmes de la région. Reste à savoir réellement si ces Etats mesurent la portée réelle de véritables enjeux qui sont en train de se jouer à l’Est de la République démocratique du Congo.

A partir du moment qu’on accepte que Nkunda n’est qu’un mercenaire, un instrument qu’on utilise, que l’élément tutsi n’est qu’un prétexte et que les frères Tutsi savent qu’ils étaient des millions en RDC et qu’ils n’avaient jamais été l’objet d’un mauvais traitement, ce n’est donc pas le facteur qu’on peut avancer ici. La véritable lecture, c’est ce complot international. Mais, nous, Congolais, devons être conscients aussi, puisque nous parlons de partenariat adulte. Etre conscients du fait que, si Nkunda est un instrument pour le complot international, c’est que les contrats miniers, léonins, qui ont été signés, à l’instar de ceux forestiers et pétroliers, font partie de ce même complot international.

A partir du moment qu’on accepte ce principe-là, on doit savoir que Nkunda n’est pas seulement à l’Est. On doit chercher à dénicher les Nkunda qui se cachent au gouvernement. C’est très important. Parce qu’à partir du moment où on brade le patrimoine national qui concerne aussi les générations futures, on joue le même rôle en empêchant l’Etat congolais de jouer son rôle qui devrait être la locomotive pour tout développement de l’Afrique sub-saharienne.

Si les autres Africains se moquent de nous, c’est parce que nous ne sommes pas contents de ce rôle-là qu’on devrait jouer. Dernièrement, il y a eu la conférence sur la forêt et sur le développement durable du monde, sur le massif forestier de la cuvette centrale, la RDC était absente. Et souvent, nous sommes absents à des rendez-vous extrêmement importants durant lesquels le Congo devrait jouer un rôle important. Non seulement à cause de ses ressources minières, forestières, hydrographiques, mais aussi à cause de ses hommes pour le marché avec des millions qu’il représente. Et même au niveau de la crise financière internationale, tout le monde insiste sur la nécessité de revenir sur l’économie réelle que sont les ressources du Congo. Avec ses neuf frontières, ce que le Congo représente comme potentiel commercial aux niveaux de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), de tous les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et même du Marché commun d’Afrique orientale et australe (Comesa), avons-nous conscience de ce que nous devrions jouer comme rôle ? C’est la raison pour laquelle – et c’est même un appel pour notre jeunesse – nous devons comprendre que ce qui en train de se jouer n’est pas le problème du régime de Kabila qui va passer, mais nous devons nous poser la question de savoir quelle est la place du Congo dans le monde aujourd’hui, quelle est sa place demain. Ce n’est pas non plus la question de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), du Mouvement de libération du Congo (MLC), du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD) ou du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). C’est la question de tous ces pays-ci.

C’est curieux ! Le Kivu est attaqué. Mais on ne voit aucune mobilisation ni de la population ni de l’élite ou encore de la société civile. Que se passe-t-il ? Y a-t-il encore un complot au pays ?

Un moment donné, au cours d’une émission que nous avons organisée avec Kibambi Shintwa, je crois, j’ai parlé du, géant qui dort. J’ai dit à l’époque qu’on ne peut pas être le Congo et se permettre de dormir comme nous dormions. Et dans cet effort de nous enfoncer dans un sommeil profond, je crois que les médias jouent un rôle immense, avec la musique et la danse à longueur des journées. Je comprends qu’il y ait du temps consacré au Seigneur, à la méditation. Mais la Bible nous enseigne que, pour créer le monde, le Seigneur a travaillé. Et je ne crois pas que toute la vie, on doit la passer en train de s’amuser. A partir du moment où un peuple prend cela comme option, il trahit même l’idéal chrétien.

Mais pourquoi ne mobilise-t-on pas l’opinion pour dire que nous devons défendre notre pays ?

Il y a un problème au niveau de notre élite politique. Je crois que la logique égocentrique semble marquer notre élite. On dirait même que, par rapport aux évolués de l’indépendance, on dirait qu’il y a dégénérescence. Il n’y avait pas autant de docteurs chez ceux qui ont arraché l’indépendance. Mais ces docteurs qu’on a formés, comme disait le professeur Ilunga Kabongo qui nous a quittés, plus que le nombre de médecins, de professeurs, d’ingénieurs augmente, cela correspond à la dégénérescence dans tous les secteurs. Il se pose le problème de savoir quel genre d’élites on a formé. Puisqu’on se rend compte qu’ailleurs, il y a des gens prêts à mourir pour l’intérêt commun. Même pour ceux qui sont au parlement et au gouvernement qui incarnent ce qu’on peut appeler l’intérêt commun, à partir du moment où ils n’ont pas conscience autour de cet intérêt, c’est dangereux. Quand on tient le couteau et qu’on ne sait pas s’en servir, ça devient dangereux. C’est là que se situe le problème de l’élite, pour des questions essentielles. A Kibambi Shintwa, je disais que je ne voyais pas la question qui mobilisait, qui focalisait toute l’élite au-delà des intérêts partisans comme on le sent ailleurs. Même en France, on a vu dernièrement Sarkozy réunir des gens de gauche comme de droite pour débattre de l’avenir de la France. Mais quelles sont ces questions-là qui peuvent mobiliser l’élite congolaise, peu importe le parti auquel on appartient, peu importe les tendances ? Ça, c’est la faiblesse de l’élite non seulement politique, mais aussi intellectuelle.

Concrètement, que doit faire le Congo, la balkanisation du pays étant en marche ?

Le théâtre stratégique l’a formulé : c’est la mobilisation. Je rappelle qu’en 1998, Laurent-Désiré Kabila est parvenu à mobiliser les Congolais. Et en dépit de moyens minimes dont on disposait, l’armée sentait le peuple congolais derrière elle. Je me rappelle encore que, lors d’un appel, M’Zee Kabila avait mobilisé 75.000 jeunes au stade des Martyrs. Je me rappelle aussi qu’un jour, il avait mobilisé, 21.000 étudiants de Kinshasa à Kibomango. Ces jeunes gens avaient juré de ne plus jamais laisser le Congo être recolonisé ou découpé. C’est cet esprit-là qu’on doit retrouver en éveillant la conscience de tous les Congolais. Il n’est pas question d’un régime qui est en jeu, mais de l’avenir du Congo pour lequel nos ancêtres et de millions de Congolais ont donné de leur vie. Il est illusoire de croire à la communauté internationale qui a ses intérêts. C’est un rêve de croire que tout le monde souhaite l’unité du Congo, malgré des discours pour nous endormir. Certains pays qu’on considère comme amis débitent des propos peu courtois, voire injurieux, à l’endroit du peuple congolais et de ses dirigeants. Si on est assez mûr, on devrait comprendre que les gens qui nous veulent du bien ne doivent pas proférer des injures quand les Congolais songent à explorer d’autres perspectives de développement. Donc, on devrait réfléchir à toutes ces questions-là en suscitant des débats comme à l’époque de l’éveil patriotique. C’est autour de cela qu’on va mobiliser les gens.

Mais il y a un problème. Comment mobiliser les gens lorsque le front social est en ébullition ? N’y a-t-il pas un complot quelque part pour que cette mobilisation n’ait pas lieu ?

Quel que soit le cas, s’il y a de la transparence, si les Congolais sont convaincus de la cause noble de ce combat, ils ne demanderaient pas mieux que défendre leur pays. Pour le front social, il a fallu d’abord informer le peuple que les partenaires qui ont promis d’apporter leur contribution au Budget ne l’ont pas fait. Il faut le dire courageusement aux Congolais qui sont mûrs pour comprendre. Mais à partir du moment où on se rend compte qu’il y a des gens qui s’amusent avec des ressources publiques. Au même moment, on demande à une catégorie de la population de consentir des sacrifices, je crois que personne ne va accepter ce type de mot d’ordre. C’est là que ça pose problème. Mais si les gens, dans la transparence, savent que l’Etat a comme priorité présentement de libérer l’Est du pays, je ne crois pas qu’un Congolais conscient puisse refuser ce sacrifice.

(SL/Ern./GW/Yes)

Freddy Mulumba Kabuayi wa Bondo/Le Potentiel

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