Obansajo a dansé avec le diable...
Guerre à l'Est: Kinshasa refuse d’ouvrir les yeux!
Emissaire spécial des Nations Unies, Olusegun Obasanjo, a fait le week-end dernier une sorte de « tour de table » avec les présidents Eduardo Dos Santos d’Angola (Luanda), Joseph Kabila de la RDC (Kinshasa), Paul Kagame du Rwanda (Kigali) et surtout le général dissident Laurent Nkundabatware. Au terme de ses entretiens avec le patron du CNDP (Conseil National pour la Défense du Peuple), l’ancien président du Nigeria a laissé entendre qu’il a bien « compris ce que veut Nkunda ». Et, comme dopé par les marques d’attention que lui porte, depuis un certain temps, la communauté internationale, celui qui passe pour un criminel aux yeux des officiels de Kinshasa, ne fait que monter les enchères.Dans le lot de ses dernières revendications, il exige des « garanties internationales » pour l’intégration de ses troupes dans l’armée nationale. Il se déclare lui aussi prêt à réintégrer les FARDC. Qu’entend Nkunda par « garanties internationales » ? Certains observateurs sont tentés de penser à un statut spécial qui permettrait à ce seigneur de guerre de rester « intouchable », comme le furent, sous la Transition négociée à Sun City, les chefs et membres d’ex-mouvements rebelles ayant mis le pays à feu et à sang entre août 1998 et juin 2003.
Si tel est le cas, le pouvoir actuellement en place à Kinshasa devrait
cesser de rêver. Il est grand temps pour lui d’ouvrir les yeux pour
bien lire les signaux qu’émettent les Nations Unies, l’Union
Européenne et l’ Union Africaine, foncièrement opposées
à un schéma autre que celui du dialogue direct avec Nkunda. Lorsqu’un
représentant d’une institution aussi sérieuse que l’ONU
accepte de passer en revue les troupes d’une rébellion, cela signifie
que la légitimité des gouvernants sortis des urnes est banalisée.
Ce constat est renforcé par l’attitude de la Monuc, qui ne cesse
d’appeler les « parties » au cessez-le-feu, plaçant
ainsi au même pied d’égalité le gouvernement de Kinshasa
et le CNDP. Que les officiels congolais l’acceptent ou non, ils sont pris
au piège de la « Facilitation Internationale », qui considère
Nkunda comme un interlocuteur à placer face à Kinshasa autour
d’une table de négociation. Le décor d’un agenda caché
déjà planté L’ambassadeur d’Angola en RDC s’est
empressé de corriger, au milieu de la semaine dernière, ce qui
a été présenté comme la volonté de son pays
d’intervenir militairement en RDC, aux fins d’aider le gouvernement
congolais à se débarrasser de la rébellion conduite par
Laurent Nkunda. Selon le diplomate, l’Angola s’en tient à l’option
qui serait levée par les Etats membres de la SADC.
Et, curieusement, Obasanjo a entamé ses consultations sur la crise congolaise
par Luanda, confirmant ainsi les informations selon lesquelles ce pays subirait
de fortes pressions de la communauté internationale pour ne pas s’engager
sur le front de l’Est de la RDC. On se souvient que tout récemment,
l’Union Européenne a prévenu l’opinion africaine du
risque de « régionalisation » du conflit armé en territoire
congolais au cas où l’un des « alliés » de Kinshasa
s’avisait à y envoyer des troupes. En insistant constamment sur
la « solution politique et diplomatique » de la crise congolaise,
la communauté internationale semble avoir planté le décor
d’un Sun City/bis. Il reste à savoir à présent si
le gouvernement congolais a les moyens de ramener le CNDP dans le schéma
du Programme Amani, alors que Nkunda a déjà mis une croix dessus
et que ceux qui devaient le piloter, au nom de la « Facilitation Internationale
», ont l’esprit ailleurs. Au stade actuel de la situation militaire,
on a même l’impression que les insurgés conduits par Nkunda
seraient encouragés à fragiliser davantage le pouvoir en place
à Kinshasa par le biais de nouvelles avancées sur le front.La
conquête du « Grand Nord » semble fort tenter la rébellion,
qui pourrait ainsi contrôler un espace plus grand que l’ex-République
de Mbusa Nyamwisi, à l’époque du RCD/K/ML.
« Mobutistes » et « libérateurs » interpellés…
Le scénario de la guerre de l’Est rappelle, trait pour trait, celui de la trahison des « Mobutistes » contre leur « Guide », feu Mobutu Sese Seko, dès la levée de la rébellion de l’AFDL, en octobre 1996 ; puis celui du lâchage de Mzee Laurent Désiré Kabila en août 1998 par les « libérateurs », ce « conglomérat d’aventuriers » vite déçus par son patriotisme pur et dur, son détachement vis-à-vis du matériel, du luxe. Le feuilleton de la traîtrise ne fait que s’enrichir en épisodes de vente des plans de guerre, de détournement des vivres, fonds et équipements destinés aux hommes engagés sur le front de l’Est. Dieu seul sait combien de généraux et colonels rwandophones tiennent en laisse le commandement de la 8me Région Militaire. «Mobutistes » et « libérateurs », qui connaissent les contours des pactes passés avec les parrains des rébellions congolaises, feraient mieux d’expliquer à la communauté nationale pour quels dividendes ils avaient trahi la patrie hier. Qu’ils nous aident à tirer les leçons des cas de traîtrise d’hier et d’aujourd’hui et imaginer la thérapie de choc requise pour ne plus susciter de nouveaux Nkunda.
No comment...
Kinshasa, 19/11/2008 (Le Phare/MCN, via mediacongo.net)