Babacar Gaye: il faut remettre l'armée "en ordre"
Dans une "situation difficile", l'armée congolaise "a
besoin d'une remise en ordre" pour faire cesser retraites injustifiées
et contre-attaques intempestives, estime le commandant des casques bleus en
République démocratique du Congo, le général Babacar
Gaye.
"Quand on voit la situation à Kanyabayonga" (est), où
des soldats "ont quitté la ville un peu précipitamment"
en début de semaine face aux rebelles de Laurent Nkunda, "il y a
besoin d'une remise en ordre" de l'armée, a déclaré
le général Gaye lors d'un entretien avec l'AFP samedi à
Kinshasa.
"Moi je ne dis pas que l'armée est en débandade, je dis qu'elle est en situation difficile", a-t-il ajouté, de retour d'un voyage avec le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Gabriel Amisi, dans la province du Nord-Kivu (est), où les combats ont repris depuis fin août entre armée et rébellion de Laurent Nkunda.
L'armée congolaise, qui selon l'ONU a commis cette semaine des pillages à grande échelle dans plusieurs villes de l'est, est victime d'"excès" de la part de certains de ses éléments, selon le chef militaire de la Mission des Nations unies en RDC (Monuc).
Il faut "éviter" que des militaires fuient "parce qu'on leur a annoncé une attaque", mais aussi éviter que d'autres, "sans coordination, se lancent dans des contre-attaques", comme cela a été le cas la semaine dernière près de Goma, la capitale du Nord-Kivu, a-t-il expliqué.
Le général sénégalais, qui est à la tête de la plus importante mission actuelle de paix de l'ONU avec 17.000 soldats, a aussi accusé les forces armées congolaises (FARDC) d'être en partie responsable de la dégradation de la situation dans le Nord-Kivu.
"Nous étions à la fin du mois de septembre dans une dynamique de progrès", dit-il. "Malheureusement, les FARDC ont enregistré des succès locaux sur le terrain et ont eu la tentation de continuer (...), alors qu'au contraire, j'avais préconisé (...) que les FARDC donnent le bon exemple, qu'ils se déploient sur les lignes prévues" par l'accord de paix de Goma de janvier.
Selon le général Gaye, la résolution du conflit passe par une "approche globale", qui implique une "stabilisation" sur le plan militaire. Il faut que l'armée "s'en tienne à une attitude strictement défensive". "Il appartient au plus haut niveau des autorités congolaises de donner des instructions claires aux militaires" sur le terrain, a-t-il estimé. L'approche globale qu'il préconise passe aussi par "des initiatives d'abord politiques" et diplomatiques.
Concernant la Monuc elle-même, le général Gaye a annoncé qu'elle disposerait dans le Nord-Kivu de 6.000 casques bleus d'ici "au maximum une dizaine de jours", contre 5.000 actuellement.
Ce millier d'hommes supplémentaires viendra "principalement" de l'Ituri, district troublé de la Province orientale (nord-est), frontalière du Nord-Kivu. "Nous n'avons pas renforcé les troupes du Nord-Kivu au détriment du Sud-Kivu", où il "y a suffisamment de menaces", selon le général Gaye.
La politique de la Monuc actuellement est de "protéger les grands centres urbains", tels que Goma, aux portes de laquelle sont positionnés depuis fin octobre les rebelles. "Il faut faire des choix, on ne peut pas être partout", a-t-il justifié.
Le général a par ailleurs catégoriquement démenti la présence éventuelle en RDC de soldats angolais, dont le pays est un fidèle allié de l'ex-Zaïre.
Interrogé sur l'annonce le 9 novembre par la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) d'envoyer des soldats de la paix en RDC, il s'est montré prudent: "Je ne pourrai en juger valablement que lorsque je saurai d'abord si la présence de cette force a un agrément politique (qui) n'est pas un facteur de complication".
Le général Gaye a dirigé la Monuc de mars 2005 à octobre 2008. Il a repris ce poste en novembre, après la démission au bout d'un mois de son successeur."Si je n'étais pas optimiste, je ne serais pas revenu", a-t-il conclu.
Kinshasa, 17/11/2008 (AFP/MCN, via mediacongo.net)